Définition de Sartrien
Le terme « sartrien », ou au féminin « sartrienne », renvoie à l’œuvre philosophique et littéraire de Jean-Paul Sartre (1905-1980), penseur emblématique de l’existentialisme et figure majeure de la littérature et de la politique du XXe siècle. Être sartrien signifie embrasser une vision du monde marquée par la liberté radicale, la responsabilité individuelle et l’engagement dans l’action. Cet adjectif s’applique aussi bien à une esthétique intellectuelle qu’à un mode de vie philosophique, où l’existence précède l’essence et où l’homme est condamné à être libre, selon la célèbre formule de Sartre.
L’essence du sartrien repose sur le fondement central de l’existentialisme : l’idée que l’homme n’a pas de nature prédéfinie, qu’il est d’abord un être jeté dans le monde, sans autre essence que celle qu’il construit à travers ses choix et ses actes. Dans L’Être et le Néant (1943), ouvrage fondamental de sa philosophie, Sartre explore cette notion de liberté radicale, qu’il associe à une responsabilité écrasante : chaque individu, par ses décisions, non seulement définit sa propre existence, mais engage aussi l’humanité tout entière. Être sartrien ou sartrienne, c’est donc accepter cette responsabilité et reconnaître que nos choix, aussi anodins soient-ils, ont des implications éthiques et existentielles profondes.
La liberté sartrienne, bien qu’exaltante, est aussi source d’angoisse. Dans une perspective sartrienne, l’homme est confronté à l’absurde d’un monde sans Dieu ni fondement ultime, et il doit donner lui-même un sens à son existence. Cette confrontation avec le vide, souvent désignée par le mot « néant » dans la philosophie de Sartre, se traduit par un sentiment d’angoisse, mais aussi par une opportunité de dépassement. C’est dans cette tension entre l’angoisse et l’action que s’inscrit l’esthétique sartrienne, où l’individu est appelé à transformer le monde en assumant pleinement sa liberté.
L’engagement est une autre dimension essentielle du sartrien. Pour Sartre, la liberté n’a de sens que si elle se réalise dans l’action, notamment à travers un engagement politique ou social. Dans son essai Qu’est-ce que la littérature ? (1947), il affirme que l’écrivain, par la puissance de ses mots, a le devoir de prendre position face aux injustices et de participer à la transformation du monde. Ce lien entre l’éthique et l’esthétique est au cœur de l’œuvre sartrienne, qu’il s’agisse de ses romans comme La Nausée ou Les Chemins de la liberté, de ses pièces de théâtre comme Les Mouches ou Huis clos, ou encore de ses essais politiques. Être sartrien ou sartrienne, c’est donc incarner une posture où la pensée et l’action sont indissociables.
L’esthétique sartrienne se distingue également par une exploration des relations humaines, marquées par la notion de « regard ». Dans son analyse célèbre, Sartre montre comment autrui, par son regard, nous transforme en objet, nous privant de notre liberté. Cette expérience, qu’il qualifie de « mauvaise foi » ou d’aliénation, est une thématique centrale de ses œuvres littéraires, où les personnages se débattent avec leurs désirs, leurs contradictions et leurs luttes pour échapper au jugement des autres. Le célèbre « L’enfer, c’est les autres » de Huis clos condense cette tension sartrienne entre l’individu et autrui, entre la liberté et l’aliénation.
Enfin, le sartrien ou la sartrienne est aussi une figure d’intellectuel engagé, à l’image de Sartre lui-même, qui s’est impliqué dans de nombreuses luttes politiques de son époque, de la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale à son soutien aux mouvements anticoloniaux et marxistes. Être sartrien, ce n’est pas seulement adhérer à une philosophie, mais aussi embrasser une éthique de l’action, où la pensée est indissociable du combat pour la justice et la liberté.
En somme, le terme « sartrien » désigne une manière de concevoir l’existence humaine comme une liberté radicale et une responsabilité inévitable, où l’individu est invité à construire sa propre essence à travers ses choix et son engagement. Être sartrien ou sartrienne, c’est adopter une posture où la philosophie, la littérature et l’action se rejoignent dans une quête incessante de sens et de transformation du monde.